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La maison de Drumettaz

C’est une grande maison à l’entrée du village, un peu en retrait de la route, cachée derrière une rangée de lauriers-cerises. Ayant vécu jusque-là dans des logements étriqués en ville, leur première maison, ils l’ont voulue spacieuse et ouverte sur le paysage. Une chambre pour chaque enfant, l’espace de séjour sans cloison, rompant ainsi avec le plan traditionnel des pièces carrées et fermées. De grandes baies vitrées s’ouvrent sur les deux montagnes qui bordent la cluse: le Revard à l’est, le Chat à l’ouest. De la salle à manger, on a en point de mire la croix du Nivollet qui domine la vallée comme un génie tutélaire lointain mais protecteur. C’était, dans la famille , le but d’une excursion traditionnelle, on y allait été comme hiver, à pied, en raquettes, à ski, en vtt…une sorte de rite pour les petits-enfants dès qu’ils étaient en âge de faire une marche en montagne.

Puis les enfants ont grandi, sont partis faire leur vie ailleurs. Leurs chambres à l’étage étaient désormais inoccupées, en dehors des quelques jours où une des familles débarquait pour une semaine de skis ou pour une halte sur la route des vacances d’été. Pendant quelques années encore, Noël se passait là, avec tout le tralala un peu ennuyeux mais chaleureux et excitant pour les petits, les femmes s’affairaient à la cuisine ( on tenait à tout préparer à la maison), la télé diffusait des émissions spécial Noël, les enfants jouaient à côté du sapin qui clignotait, la bûche brûlait dans la cheminée que le père a voulu construire au milieu de la pièce. Et puis, une fois que tout était prêt, la table mise, les parents partaient à l’église pour la messe de Noël, les autres,négligeant le rite, patientaient en jouant au yam ou à un autre jeu de société. Et puis la famille est devenue trop nombreuse, et il n’y eut plus que quelques grandes réunions à l’occasion d’un anniversaire, toujours en été, pour que cela puisse se faire dans le jardin… Jardin où, lors de leur retrouvailles en été, les cousins faisaient de sacrées parties de balançoire ou de disputes autour d’une vieille voiture d’enfant dont le rouge de la peinture s’écaillait , rongé par la rouille…c’est vrai qu’à cette époque, les enfants s’amusaient avec rien ou presque. Le père ronchonnait, et on riait de ses célèbres phrases:  » les enfants ne savent plus ranger, ils laissent tout trainer par terre, c’est la loi de la gravitation universelle. » ou encore: » qu’est ce que tu dis? t’as rien à dire? alors vas te faire cuire un oeuf ». Bref la vie s’écoulait paisiblement, sans ombres, si ce n’est celle des parasols qu’on tentait vainement d’orienter en fonction de la course du soleil quand on mangeait dehors. Puis imperceptiblement ils vieillissaient, mais les enfants ne s’en rendaient pas compte tout de suite, ben oui, les enfants pensent toujours que leurs parents sont éternels, comme les montagnes des Alpes, comme la croix du Nivollet. C’est le père qui est parti en premier nous laissant pantois et en lévitation, comme si le sol où on marchait devenait tout d’un coup un peu instable, mais on se rassurait, maman est toujours là, elle est vaillante et radieuse, on peut toujours compter sur elle pour nous aimer. Regardez tout ce qu’elle a fait, elle qui a été élevée à la dure , qui a connu les privations, la vie nomade de femme de militaire,…elle s’est rattrapée une fois les enfants élevés, et s’est épanouie dans la peinture, la photo, les randonnées…cette appétit de vivre va la mener au moins à cent ans, je vous le dis….

Mamie Lucienne est pourtant partie. On est malheureux comme des pierres. Désormais la maison de Drumet’ va être fermée, vidée et vendue, le village bientôt ne sera plus sur notre route, on n’amènera plus les petits à la chapelle Saint Victor, ni à la plage des Mottets, tous ces lieux familiers vont devenir étrangers et sans âme. Et nous, des orphelins pour toujours.

Il pleut sur Quang Ngai

Il pleut sur Quang Ngai, une pluie torrentielle, insistante, hargneuse. De la fenêtre de l’hôtel, je regarde la rue inondée, où passent,a vitesse réduite, imperturbables, les conducteurs de scooters couverts de ponchos en plastique bariolés. A la télévision, on parlait tout à l’heure de tempête, de vents violents,d’inondations, de routes coupées, de ponts qui s’effondrent, quelque part au Nord et au Sud. Ici, on est entre les deux, à la lisière du typhon, pour le moment épargné. Moi aussi je suis entre deux mondes, flottant entre présent et passé, France et Vietnam, fatigue et excitation, émotions et souvenirs. Quang Ngai est la province natale de mon père, c’est la première fois que j’y viens. Pendant mon enfance, c’était une zone de violents combats, on n’y avait pas accès, pas plus que Bên Tre, patrie de ma mère. Mais autant maman me nourrissait de ses récits et souvenirs qui me rendaient familière sa région, autant papa ne parlait jamais de son pays. J’apprendrai, durant la journée qui lui est consacrée, et qui est la raison de notre présence ici, qu’il n’y était retourné qu’une seule fois, pour participer aux secours de la région lors d’une tempête dévastatrice. Poète, écrivain, rédacteur de périodiques, il a été mis aux bans de la communauté des lettrés à  » l’accomplissement de la Révolution » terme qui désigne désormais l’arrivée des communistes en 1975 et la réunification du pays. Quarante ans après, des chercheurs et des universitaires, soutenus par un cadre admirateur de mon père, ont pu organiser cette journée de commémoration et de réhabilitation de mon père et de son oeuvre. Nous étions invités, mon frère et moi. Thiên a décliné l’invitation, et moi, après un temps de réflexion rempli d’émois et d’incertitudes, j’ai décidé de venir avec mon mari et nous voici donc à Quang Ngai, après un bref transit dans un Saigon enfumé, pollué et harassant. Tout à coup les réflexes anciens reviennent, c’est comme si ma peau occidentale se pelait et mettait à nu la vietnamienne qui était en sommeil en dessous. Jusqu’à présent, à chacun de mes retours au Vietnam, ma mère était là, m’accompagnant de sa présence douce et enveloppante. Cette fois, papa est là avec elle, derrière moi, souriant comme sur les photos qui sont affichées partout dans la salle de conférences, mais il ne dit rien. J’essaie de retrouver le son de sa voix mais en vain. Les souvenirs sont flous. Mon père n’était pas souvent avec nous, mais il était toujours présent par ses livres, ses publications, ses périodiques. Son absence faisait au contraire que les moments de retrouvailles lors des vacances étaient plus intenses. Mon père vivait pendant longtemps dans une chambre d’hôtel à Saigon, pas très loin du centre ville. L’hôtel s’appelait Bach Mai ( merisier blanc) , la chambre était au dernier étage, les salles d’eau étaient au fond du couloir, et étaient source de frayeur pour nous enfants quand il fallait y aller pour la toilette du soir. Quand on y venait avec ma mère, mon frère et moi dormions par terre ou sur le hamac, car il n’y avait qu’un seul lit. Parfois réveillée au milieu de la nuit, je voyais mon père concentré sur un écrit, la tête éclairée par le halo de lumière de sa lampe de bureau. Avec le recul, je mesure le dénuement dans lequel il vivait, mais à l’époque tout cela nous était naturel. Il reste de cette époque une photo de nous quatre, devant l’hôtel, mes parents étaient souriants et semblaient heureux. Par la suite il habitait au dessus de son imprimerie, rue Pham Ngu Lao, devenue maintenant la rue des backpackers et des touristes désargentés. Là, c’était un peu plus spacieux, mon père avait aménagé un minuscule jardin entre deux parties de l’appartement, et y avait installé une volière avec des oiseaux chanteurs. Mais toujours c’était la nuit qu’il écrivait, à la main, d’une écriture penchée et grande, éclairé d’une lampe de bureau. Une fois il me confiait qu’il préférait travailler la nuit car la nuit était silencieuse.

Mon père n’était pas très expansif et mais je crois qu’il aimait ses enfants, il était toujours content d’être avec nous, mais même à l’époque on sentait que sa vie était ailleurs, dans ses livres et ses activités littéraires. A chaque sortie d’un de ses livres, je le dévorais, comme pour combler son absence, comme pour tenter de retrouver entre les lignes un père si lointain. Par la suite, quand nous allions à Saigon, nous logions chez mon oncle, le frère de ma mère, et nous voyions mon père dans la journée. Je ne savais plus où il habitait. Je crois qu’à l’époque mes parents n’étaient plus ensemble, mais c’étaient des choses dont on ne parlait pas, et les enfants acceptaient l’état de fait sans oser chercher à comprendre. Ma mère cependant continuait à soutenir mon père financièrement, car l’écriture était une activité aléatoire et mettait régulièrement papa dans de grandes difficultés matérielles. C’était ma mère qui assurait la survie de la famille, avec l’énergie tranquille et stoïque qui la caractérisait, mais avec également un humour ironique qui remplaçait son ressentiment quand elle parlait de son mari.  Puis je suis partie en France pour mes études et il est mort deux ans après. Son absence était déjà effective dans ma vie depuis si longtemps que j’avais du mal à prendre conscience de sa mort, et le deuil n’a jamais été fait vraiment. Mais un enfant peut-il vraiment faire le deuil de ses parents?

Toutes ces pensées se bousculent dans ma tête pendant que les orateurs se succèdent à la tribune, et que j’essaie de mon mieux de traduire au fur et à mesure pour mon mari. Des chercheurs et intellectuels venant des quatre coins du Vietnam décortiquent l’œuvre de Nguyen Vy avec la jubilation de chevaux auxquels on a lâché la bride et qui enfin peuvent galoper en liberté, sans pour autant manquer de sérieux et de pertinence de leurs analyses. Malgré mes fréquents retours au Vietnam, c’est la première fois que je suis en contact avec des intellectuels, des gens qui ravivent une langue raffinée, élégante que je croyais à jamais disparue. Et ces gens là parlent de mon père comme d’un grand parmi eux, d’un très grand, qu’une décision injuste a privé de sa place au panthéon des écrivains.  Ah!  mon père était bien ce grand homme de lettres reconnu de tous, ce n’est pas qu’un fantasme d’une orpheline magnifiant le talent de son père.

Les pauses se déroulent avec les  interviews des journalistes et de la télévision, des jeunes gens avides d’avoir mes témoignages sur une célébrité qu’ils n’ont pas connue, comme s’ils venaient de découvrir dans leur télescope la brillance d’une étoile depuis longtemps morte. Des auteurs contemporains me dédicacent leurs romans ou leurs recueils de poèmes, l’un d’eux me confiant que la lecture de Nguyen Vy (lecture  clandestine pendant des décennies) a été décisive dans son choix de s’engager dans la carrière littéraire. Et j’ai le sentiment ému que cette journée fait vivre à l’œuvre de mon père une deuxième vie. Par ma présence, et celle de mon mari, j’effectue le rite d’honorer mon père, et d’accomplir mon devoir filial. Faute d’avoir été à ses obsèques, la vie m’a donné cette chance de participer à la renaissance de son œuvre.

Il pleut toujours le lendemain du colloque, une pluie drue, sans intermittence tout au long de cette journée consacrée à la visite traditionnelle des tombes des ancêtres avec mes cousins. Les vietnamiens ont un rapport très pacifique avec le temps: de toute façon, à partir d’Octobre -Novembre, c’est la saison des pluie jusqu’au Têt, puis c’est la saison sèche les six mois suivants, ainsi de suite, c’est dans l’ordre des choses, on ne se lamente pas, on n’a pas le regard rivé sur la carte météo, on vaque à ses occupations habituelles; tout au long du trajet jusqu’à Phô Phong, le village natal de mon père, on voit les gens dans l’eau jusqu’au genoux, travailler dans les champs ou lancer leurs filets de pêche, à peine protégés par un poncho en plastique, ou simplement d’une bâche jetée sur les épaules Une chose les rend anxieux toutefois, c’est la violence des tempêtes. Chacun a en tête le typhon de telle ou telle année qui a ravagé toute la région, entraînant inondations dans les terres et naufrage des bateaux de pêcheurs. Cette année, le typhon actuel semble passer un peu plus au Nord et à l’Ouest,  prions Bouddha pour qu’il ne vienne pas sur nous.

Dès la sortie de Quang Ngai, c’est un grand saut dans le passé: le paysage semble immuable depuis toujours, des rizières d’un vert tendre, des buffles impassibles, des aigrettes graciles, des hameaux cachés derrière un rideau de bambous, des paysans encore sur leur vieux vélos, remplacés de plus en plus par des hondas. J’ai du mal à imaginer que ce cadre verdoyant et si paisible a été le théâtre d’une guerre apocalyptique et d’atroces tueries qui laissent des blessures ineffaçables dans le coeur des viets. Le village natal de mon père ressemble à tant d’autres, modeste, anonyme, avec des gens vivant dans une grande simplicité, ayant accès à peu de ces choses qui nous semblent indispensables, à l’exception du Wifi qui est maintenant présent partout. On est reçu chez un cousin lointain, dans une maison ouverte aux quatre vents, dont les murs sont couverts de certificats du comité local du parti attestant ici de la bonne conduite, là de l’engagement actif dans telle ou telle campagne en faveur de l’amélioration de la vie du village ou du district. Le fils du cousin est membre éminent du comité du village, et lui-même s’était illustré par quelque fait d’armes pendant la guerre, et ils en sont fiers. Par contre ils sont plus ou moins responsables de l’entretien des tombes des ancêtres, et l’état de délabrement et d’abandon des tombes de mes grand-parents, noyés dans les folles herbes,  fait planer un grand « blanc », que nous nous gardons bien d’exprimer, et la suite de la rencontre se déroule dans un échange de courtoisies et de sourires. La journée se poursuit par la visite d’un temple de commémoration de Nguyên Nghiêm, héros national, résistant sous l’occupation française, arrêté par les français et « décapité »en 1930. Il se trouve être l’oncle de mon père, donc mon grand-oncle. Son histoire et l’histoire du réseau de résistance aux français nous fait penser à l’histoire de Jean Moulin sous l’occupation allemande. Dominique semble très ému. A la fin de la visite, il a mis un mot dans le livre d’or, que je suis appelée à traduire, à la grande joie du gardien, honoré d’avoir une trace écrite d’un général du service de santé de l’armée française, désormais amie du Vietnam et pour des siècles à venir, du moins on l’espère tous. J’étais heureuse de ce pèlerinage inédit pour moi, d’autant plus que nous sommes en compagnie de quatre petits-cousins , enfants de ma cousine, jeunes gens de la nouvelle génération, sans complexes, facétieux , chahuteurs, unis comme les doigts d’une main et pour qui les liens familiaux avec mon mari et moi semblent avoir toujours existé, et qui se comportent avec nous avec une tendresse respectueuse qui fait chaud au cœur, malgré la barrière de la langue pour Dominique, et la très longue absence en ce qui me concerne, la dernière rencontre avec eux ( à l’exception de leurs parents) remontant à …1998. La journée se termine par une dégustation de spécialités locales, dans plusieurs troquets de Quang Ngai, car au Vietnam, les vraies spécialités culinaires se découvrent dans des petits bouis-bouis improbables, chaque boui-boui ne servant qu’un seul plat. Les jeunes tiennent à goûter à plusieurs de ces établissements, entraînant avec eux nous deux, ahuris, et leurs deux parents, plus âgés, impassibles mais consentants. On ne se quitte pas sans le passage obligé par un café, en l’occurrence une vieille bâtisse adossée à un banian centenaire, où on est assis à des salons anciens (banquettes en tek ou en ébène sculptées et incrustées de nacres)pour prendre un thé au gingembre ou toute sorte de smoothies ou yaourts au fruits exotiques. Et la pluie tombe toujours quand nous regagnons l’hôtel. Ainsi se poursuit notre virée au centre du Vietnam, dans un sentiment de plénitude et de reconnaissance envers la vie qui nous a donné le bonheur de vivre ces moments intenses. Encore une dernière journée à deux à visiter la région, indemne de tourisme, totalement authentique, des sites naturels à couper le souffle, une vieille pagode de quatre cents ans dans un écrin de nature, une plage interminable bordée de tamaris et de cocotiers, le mémorial du massacre de My Lai, d’une tristesse indicible, et nous voilà dans notre avion de retour. Dans les journaux on parle toujours de tempête  avec vents violents et fortes pluies, mais nous sommes repartis dans un ciel calme, presque beau, sous la protection des dieux.

Sidi

Sidi saute promptement d’un rocher à un autre et dévalle à toute allure la pente raide. Ce matin il a mené les trois touristes au sommet du Toubkal, à 4167 m, le plus haut de la chaine de l’Atlas. Le groupe, fatigué par cette ascension de 1000 m depuis leur camp de base , traîne maintenant lamentablement à la descente, d’autant plus que, contrairement à l’idée générale, la descente n’est pas moins ardue que la montée: la raideur de la pente est la même dans un sens comme dans l’autre, et le gravier présent partout forme des roulements à billes qui à tout moment menacent le pied d’une glissade. A la fatigue due aux efforts de la montée, il faut donc ajouter la vigilance de la descente qui crispe les muscles et bloque les articulations.

Sidi est toutefois assez content que ce groupe, un jeune couple et le père de la jeune femme, tous trois bons marcheurs, et par dessus le marché, gais, bons vivants et respectueux de leur guide, ce qui n’est pas le cas de tous les touristes occidentaux, parfois hautains, ou condescendants envers les gens du pays. Cela fait quatre jours qu’il les accompagne dans leur marche d’approche qui les acclimate progressivement à l’altitude. D’Imi Oulad où une estafette les a débarqués, ils ont commencé l’ascension des contreforts de l’Atlas, traversant des villages berbères adossés aux pentes terreuses qui dominent les oueds, gravissant des collines arides où seuls poussent les genévriers rouges et les coussinets épineuses dont raffolent les troupeaux de chèvres gardés par de jeunes chevriers au sourire énigmatique.

Habitué depuis quatre ans à accompagner les touristes, Sidi a appris à régler son allure au plus lent du groupe, à évaluer l’ endurance des participants, et à proposer des haltes plus ou moins rapprochées.Depuis quelques années, les treks, comme on les désigne, sont très à la mode , et les touristes affluent au Maroc pour des marches plus ou moins sportives dans le désert, sur les hauts plateaux ou dans les massifs montagneux.

Après le bac et deux années d’études universitaires sans débouché, Sidi a fait une formation pour être accompagnateur, car le job paie bien, surtout avec les commissions et les pourboires, et il peut ainsi contribuer à améliorer la situation de sa famille, dont les revenus, provenant de quelques maigres arpents de terre cultivés selon les méthodes traditionnelles, leur permettaient jusque là de vivre dans la plus grande simplicité. Avec son travail, Sidi a pu acheter une mule à son père, pour que celui puisse être autonome dans les transports les jours de marché.

A vingt sept ans, Sidi est encore célibataire, et il n’est pas pressé de se marier car pour l’heure, cet emploi de guide lui convient bien. Il rencontre beaucoup de gens de tous bords, beaucoup de français, mais aussi d’autres européens: suisses, belges, hollandais, espagnols, anglais…A leur contact,il apprend beaucoup de leurs façons de vivre et de penser Il est conscient que ce n’est que le reflet d’une classe plutôt privilégiée de l’Europe, assez riche pour consacrer une dépense conséquente à des loisirs. Mais le temps d’un trek, la promiscuité obligatoire ainsi que son autorité légitime en tant que guide créent une complicité factice et une convivialité superficielle qui facilitent les échanges.

Tout au long de la journée, et surtout le soir au repas, Sidi égrène les informations sur le pays traversé, sur les plantes et les roches, il donne le nom des villages et des cols ( dont il sait pertinemment que personne ne les retient), et en retour il écoute poliment la « liste des courses » de ses touristes dont certains sont de vrais baroudeurs des temps modernes, assidus clients des agences de treks à travers le monde. Parfois en les écoutant, il se demande si c’est préférable de parcourir ainsi le monde de cette façon frénétique, ou de d’asseoir comme fait son père dans sa vallée perdue, la nuit, dans un silence absolu, les deux mains appuyées sur ses genoux, à regarder monter la lune dans un ciel sans lumière.

Sidi aime aussi flirter avec les jeunes touristes femmes qu’on appelle joliment les « gazelles », belles, sexys, arrogantes, souvent effrontées, en tous les cas plus libres que les filles de son pays. Le flirt ne va pas bien loin, rares sont celles qui lui envoient les photos du trek à leur retour en Europe, et encore plus rares celles qui maintiennent une petite correspondance avec lui. Sidi aime malgré cela se sentir momentanément amoureux de ces jeunes femmes inaccessibles,un peu comme quand on est amoureux d’une actrice de cinéma ou d’une chanteuse: d’une image, d’un rêve de femme. Quand il se décidera pour le mariage, Sidi sait très bien qu’il choisira une fille de son village, une qui saura tenir sa maison, s’occuper de ses vieux parents, et qui sera une bonne mère pour ses enfants.

Pour l’instant, arrivé sur un replat, Sidi interrompt sa course joyeuse et légère, et tourne son regard vers le haut de la pente pour guetter ses clients: un peu plus haut, la jeune femme s’appuie sur le bras de son mari pour faire de petits pas prudents, plus haut encore son père peine à plier ses genoux et s’arrête à chaque pas en soufflant . Sidi les attend sans impatience: il aurait été inquiet si un orage les menaçait comme c’est souvent le cas en cette saison, le groupe aurait été en plus grande difficulté sur cette pente rendue en quelques secondes glissante, et sous une température qui aurait chuté d’un coup. Mais aujourd’hui le temps est au beau, le ciel est d’une luminosité exceptionnelle, on est en plein milieu de l’après-midi, et même en traînant ils seront au camps de base avant le soir. Rien ne presse.

Sidi s’appuie négligemment sur son bâton. D’habitude, pendant les randonnées, il est vêtu à l’occidentale, avec un pantalon en toile et un sweat. Mais ce matin, mû par une envie de coquetterie, il a mis son pantalon berbère bleu, légèrement bouffant, et un chèche d’un bleu plus profond. Même sans miroir, il sait qu’il est beau, que sa silhouette ainsi vêtue retrouve toute la fierté de sa race et qu’elle s’accorde parfaitement avec le paysage minéral de cette montagne où il est né et dans laquelle il a grandi, et qu’il aime par tous les fibres de son corps. Tout à coup, il sent monter une envie dans sa gorge, et il se met à entonner un chant berbère. Sa voix puissante prend son envol et se déploie dans l’air cristallin comme les ailes d’un aigle royal. Un instant après, une voix dans le lointain répond à son chant: le visage de Sidi s’ouvre d’un large sourire: il y a dans les parages un autre berbère en train de communier avec lui dans le pur bonheur de l’instant.

Imbibée depuis mon plus jeune âge de littérature de voyage ( pérégrinations du roi Cang-Long, voyages du juge Ti, écrits de Nicolas Bouvier et de R.L Stevenson), ce fut d’un oui franc que j’ai répondu avec mon mari à l’invitation de notre ami Michel à faire avec lui et deux autres amis la traversée Nord-Sud des Cévennes par le chemin de Stevenson.

Ce n’est pas la première fois que nous faisons route ensemble, et l’aventure sportive ainsi que l’amitié qui lie notre groupe sont bien sûr les raisons initiales de ce voyage. Mais cette fois-ci, les souvenirs de la lecture du récit de Stevenson, dans une vieille édition, au papier rugueux, illustrée d’un dessin sommaire me reviennent immédiatement en mémoire, et ajoutent du sel à l’excitation qui nous prend habituellement aux préparatifs d’une grande randonnée.

Joindre à l’effort physique le plaisir de mettre ses pieds dans les traces d’un écrivain célèbre. En l’occurence ce ne sera pas à pied, ni avec un âne, que nous allons faire ce chemin: notre moyen de locomotion sera le VTT, moyen déjà éprouvé lors d’une traversée du Morvan.

Le VTT est un mode de randonnée bien pratique: passant partout ou presque, il est plus rapide que la marche à pieds, encore que, sur des montées ou des descentes raides et caillouteuses, où il faut pousser le vélo, voire parfois ( c’est rare heureusement) le porter, le piéton peut nous dépasser tout au moins avancer au même rythme. Muni d’un porte-bagages, il permet d’alléger un peu le sac à dos, et avec le sens de l’économie qui vient avec l’expérience, on peut facilement faire des sacrifices, et laisser à la maison des objets ou vêtements qui nous semblaient indispensables. C’est donc une école d’ascèse a minima. En disant cela, je n’éprouve aucune fausse fierté, car aucun d’entre nous n’a laissé à la maison son iphone ou son smartphone, et durant la randonnée, des sonneries diverses se font entendre dès que la réception se rétablit, car il faut savoir que dans ces coins perdus,  » ça ne passe pas « ! (mais comment font donc les autochtones pour vivre sans réseau, SFR ou Orange ou que sais je encore?). De même on a tous un appareil photo dont on mitraille tout, de la tronche des amis en sueur, aux paysages magnifiques, (ou la tronche des amis en sueur sur fond de paysages magnifiques), aux fleurs, aux rochers, aux paysans. Tout. Avec la promesse de se faire un picassa d’enfer dès qu’on retrouvera notre ordinateur. Le retour aux sources a ses limites.

Car, comme on dit, chaque français a une origine paysanne, en cherchant bien. Même moi, qui suis française d’adoption, j’ai presque fondu en larmes en regardant les trois films de Depardon sur les paysans. Nous aimons notre France rurale, mais d’un amour théorique et cérébral. Nous sommes rassurés à la pensée qu’autour de nos villes polluées, stressées, surpeuplées, il existe des espaces de grand air, de tranquillité, de verdure, où des animaux paissent en liberté et font « meuh » à notre passage.

Mais il faut y être physiquement, par exemple en débouchant sur une pente aride semée de cailloux, où s’acharne à pousser un pauvre champ de seigle, pour que cet amour vous prenne à la gorge, et s’enracine dans vos tripes. Alors la tristesse vous étreint à la traversée de hameaux déserts, à la vue de toits de lauzes qui s’affaissent sur des murs lézardés…Que de vies dures et laborieuses se sont écoulées en ces lieux,que d’amours, que d’espoirs, que de joies, que de douleurs ,que de haines, de jalousies, enfin tout ce qui fait qu’une vie est une vie, tout cela s’est retiré doucement de ces lieux que nous contemplons, hébétés.

Nos étapes se terminent dans un bourg, souvent tapi au fond d’une vallée, mais il nous arrive aussi de découvrir une fois sur place que le gîte se trouve encore à quelques kilomètres, après une rude montée, sur la pente en face. Le bourg est un havre de vie que nous retrouvons toujours avec soulagement, car chaque journée est longue, avec du dénivelé, de la chaleur, parfois le passage d’un grain ou même un bel orage. Havre de civilisation aussi, car nous y retrouvons vite nos habitudes urbaines: coups de téléphone, cartes postales, distributeurs de billets, commentaires sur le confort du gîte, coup d’ oeil sur les titres du journal local ….Des échanges avec les gens sont limités, même si nous rencontrons partout beaucoup de simplicité et de gentillesse, parfois un réel souci pour notre périple, avec des conseils judicieux pour contourner des difficultés non signalées sur les cartes ou pour indiquer une variante intéressante. Les touristes font désormais partie de la vie estivale de ces contrées et je suppose qu’en plus d’un coup de pouce à l’économie locale, ils apportent aussi un peu de distraction et d’exotisme.

Le chemin de Stevenson se fait dans le sens décrit par l’auteur, Nord-Sud, et doit se faire dans ce sens là, même si nous avions croisé quelques randonneurs allant dans l’autre sens. La raison en est simple: c’est dans ce sens qu’on peut le mieux apprécier le dégradé progressif des paysages et des couleurs, de l’austère région volcanique, à l’aride mont Lozère pour terminer dans la forêt méridionale éclatante de senteurs et de bruissement de torrents.On part du Monastier en Gazeille, un village au sud de Puy-en-Velay, dans un environnement encore volcanique: roche noire, reliefs arrondis, et progressivement on chemine dans le Gévaudan, paysage de collines et de forêts jusqu’à Chasseradès. Là, le relief se redresse un peu, et à Bleymard on est face à une rude ascension au mont Lozère. Puis brusquement on bascule dans un climat méditerranéen. Au départ du col de Finiels, c’est une garrigue abrupte parsemée de gros blocs de granit chaotiques, que Stevenson décrivait comme  » des éteules de roc ». Puis à partir de Pont de Montvert, après une montée éreintante, on se trouve désormais parmi les chataigniers mêlés à des pins ou des chênes, et le sol est tapissé de bruyères .Au « chant » des cigales fait écho l’accent de plus en plus chantant des habitants du coin. Au détour d’un virage en descente, on peut entrevoir le ruban d’un torrent, puis, en se rapprochant progressivement on distingue des vasques dans lesquelles peu de temps après on va plonger avec délice.

Revenons à nos bicyclettes. Ici plus qu’ailleurs, elles méritent le nom de reine. Des mécaniques aussi robustes que belles, légères et précises, précieuses comme une Jaguar sur route, mais en même temps solides comme une Range Rover sur les cailloux du GR 70 dont nous essayons de suivre fidèlement le tracé autant que possible, sauf sur certaines portions tracées pour marcheurs seuls,où nous sommes obligés de trouver un contournement. On n’est pas à l’abri de problèmes, un dérailleur cassé dès les premiers coups de pédale, rafistolé avec les moyens de bord, l’inévitable crevaison en plein soleil, des couinements incompréhensibles, des freins un peu lymphatiques sur une descente technique. Au démarrage de chaque étape, on vérifie les freins et les pneus, on graisse la chaîne, on règle la selle, on bichonne nos vélos…Je n’irais pas jusqu’à dire que je discute avec mon vélo comme Stevenson avec Modestine, mais par moments je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine complicité avec cet engin métallique, je me surprends dans les montées à rythmer mon souffle sur lui, à l’invectiver quand il me paraît faire du sur-place, où au contraire partager (!) avec lui l’euphorie d’une descente de rêve à fond de train. J’aime aussi les portions de chemins bien roulantes, car pouvant me permettre de relâcher un peu l’attention, je laisse mon vélo rouler tout seul et mon esprit peut divaguer ici ou là, portant mon regard au loin, pensant à la vie, à mes proches, à hier, à demain, ou sentant tout simplement le bien-être remplir mon corps.

Avec les compagnons de route, j’échange peu. Chacun va à son rythme, on s’attend de loin en loin, on se consulte sur les options à prendre au x carrefours, on fait quelques remarques banales, sur la beauté de la vue. Ce n’est que le soir qu’on se laisse un peu plus aller pendant le dîner. Ainsi va notre groupe, on respecte le besoin de silence et d’introversion de chacun, mais on se tient toujours prêt pour dire « présent » aux moments de liesse collective. Mon amie Catherine a emporté dans son sac un exemplaire du « Voyage », dont elle relit les passages correspondant à notre étape du jour, pour relever la justesse des indications topographiques, ou noter les écarts d’itinéraire. Et, s’imprégnant des informations historiques, elle nous conte tel ou tel anecdote sur des personnages qui ont marqué la région.

Le temps est ainsi suspendu comme dans un rêve dont on tente de retarder la fin. L’itinéraire se termine le dernier jour par une petite route goudronnée qui serpente le long d’un joli torrent, jusqu’à ce que nous rencontrons une pancarte indiquant « Alès 17 km ». Au fur et à mesure que le nombre de km diminue sur les pancartes successives, le nombre de voitures augmentent, roulant de plus en plus vite. Nous abordons Alès par un faubourg grincheux, rôtis par un soleil agressif. Nous nous hâtons vers la gare où se trouve notre hôtel, abrutis par le bruit, la poussière et la circulation, les jambes continuant à pédaler, mais la tête restant encore là-haut, quelque part dans le bleu des crêtes.

L’hybride

La nostalgie peut me prendre à la gorge à tout moment sans crier gare. Il suffit d’un rien.

Sur un sentier des Cévennes, j émerge sur un crêt et devant moi s’étendent des plans infinis de montagnes bleues coiffées par endroits d’une traînée de nuages effilochés. Il suffit de ce rien pour que ma pensée fasse un bond en arrière vers les paysages des hauts plateaux du Vietnam,  faits de montagnes pas très hautes mais rendues impénétrables par un fouillis inextricable d’arbres reliés entre eux par des ronces et  des lianes grosses comme l’avant-bras d’un homme, lieux de mes fantasmes enfantins peuplés de tigres, de serpents, de gibbons et autres créatures fantastiques….Le mal du pays…..Mon mari,  avec ironie , m’a maintes fois demandé : quel pays ? Mon pays natal ou tous les lieux où nous avons vécu et que j’ai passionnément  aimés d’un amour sans bornes comme peuvent en éprouver les orphelins pour une mère, ou les déracinés pour une terre ?  La campagne française devient l’espace d’une pensée furtive une estampe chinoise….un pincement au cœur et je reviens au présent.  Je repars sur mon VTT ultra robuste, en compagnie de mes amis français, et je re-glisse dans ma peau de femme bien dans son temps, avec des préoccupations bien franchouillardes pour la  retraite, les impôts, la crise économique, les sans-papiers, les bouchons sur les routes de vacances. Pour l’heure je me concentre sur la descente d’une pente caillouteuse dont il faut négocier le passage de chaque bosse.

Le marcheur

Mon nom est Murs. Stefan Murs. Et je passe mon temps à arpenter les routes et sentiers de France. Je répète mon nom régulièrement bien que personne ne me le demande, à part une fois ou deux, des agents de police soupçonneux, mais la plupart du temps personne ne me remarque. Je suis transparent, je passe inaperçu, une silhouette au bord de la route avec un sac à dos sans âge, aussitôt croisée aussitôt disparue dans le rétroviseur. Marcher est pour moi une activité à part entière, comme d’autres sont garagistes ou secrétaires ou vendeurs moi je suis marcheur. Marcher, du fait du rythme particulier de la marche, me met dans un rapport intime et immédiat avec la nature. J’ai le temps de sentir passer le temps, de voir s’allonger les ombres, changer les teintes de la lumière. Mais je vois aussi des détails que je ne vois pas dans d’autres modes de déplacement, même en VTT, activité que j’ai pratiquée pendant longtemps : par exemple les détails d’un bleuet au bord d’un champ d’avoine, ou la procession d’une colonie de fourmis. Une fois j’ai vu une grosse buse essayer envers et contre toute logique de se percher sur une branche d’un jeune saule trop frêle pour  supporter un poids supérieur à celui d’une alouette. Je me suis fait alors la réflexion que les hommes n’ont pas le monopole de l’absurde.

Mon nom est Murs. Stefan Murs. Quand on est solitaire et qu’on a pas l’obligation d’avoir des relations avec les autres, le danger est qu’on peut perdre la notion même de son identité. Non pas que je sois particulièrement misanthrope, mais il faut avouer que je ne recherche pas la foule. La foule empêche ma pensée de suivre son cour tranquille comme le ruban d’une rivière, avec ses courbes et ses méandres, ses zones d’ombres, ses profondeurs ou ses gués clairs comme celui que je suis en train de franchir d’un pas allègre. Quand je passe dans une ville, car il m’arrive d’aller en ville, je perçois les sauts de puces que fait ma pensée, passant d’un sujet à une autre, pour finir par être embrouillée et confuse. Cela dit, je ne déteste pas de temps en temps m’asseoir à la terrasse d’un café, déguster un vrai expresso en regardant passer des gens pressés, fermés, soucieux ou indifférents. Ensuite je suis content de reprendre ma route.

Certaine personnes pensent que les « routards » comme moi doivent avoir un grain de folie, ou quelque chose qui les rend inaptes à accepter les règles de la vie en société, qu’ils sont en quelque sorte des handicapés sociaux. Je ne sais pas si c’est le cas pour les autres, car en tant que marcheur solitaire je n’ai pas eu l’occasion de débattre de cette question avec  qui que ce soit, mais en ce qui me concerne ce mode de vie est venu progressivement, naturellement. Ce n’est même pas un choix si tant est qu’on puisse parler d’un choix de vie pour n’importe qui. Un ouvrier d’usine a-t-il choisi de faire les trois huit, de se taper son connard de chef ? Et ce connard de chef a-t-il choisi de s’endetter à vie pour cette baraque immense avec piscine, baraque qu’il risque en plus de vendre  en catastrophe en cas de divorce avec sa femme qui elle-même n’a pas choisi de s’ennuyer comme un rat mort au bord de la piscine pendant que son mari s’éreinte au boulot pour gagner de quoi la payer ? Donc j’estime que je n’ai fait aucun choix délibéré dans ma vie. J’ai pris les choses comme elles sont venues à moi. Dans une vie antérieure (cette formule est idiote, mais je l’emploie par convention, voyez bien que je ne suis pas asocial), j’ai bricolé comme tout le monde un petit espace de vie, m’arrangeant pour que la résultante des désagréments et des choses agréables penche du côté de ces dernières. J’ai toujours aimé partir m’immerger dans la nature, et puis vint un moment où revenir me coûtait de plus en plus, et j’ai fini par larguer les amarres. Mes économies et l’héritage de mon grand-père m’ont permis de le faire en m’enlevant les soucis matériels, et j’ai aussi appris à me contenter de très peu, mais la somme s’amenuise et je suis conscient qu’elle n’est pas inépuisable. Mais à chaque jour suffit sa peine. Pour l’instant après avoir franchi le gué, je décide de faire une pause sur les galets. Le soleil est au zénith, et l’air est figé par la chaleur. En attendant que mes pieds sèchent, je pose mon sac, détache mes chaussures Salomon que j’ai attachées au sac tout à l’heure avant d’entrer dans l’eau. Pour un marcheur, la qualité des chaussures est primordiale, je dirais même vitale. Une mauvaise paire de chaussures provoque très vite des ampoules, des cors, des cals douleureux qui focalisent votre attention et finissent par vous empêcher de penser ou de jouir du paysage.Sans compter qu’ils finissent par vous empêcher tout bonnement de continuer à marcher. C’est pourquoi, c’est le poste d’achat le plus lourd dans mes dépenses. Au début, j’avais une paire de chaussures basses pour le plat, et une paire de chaussures montantes à semelles vibram pour le terrains accidentés et pour la montagne. C’était lourd et encombrant dans le sac. Je  finis par n’avoir qu’une seule paire de chaussures basses, mais à semelles vibram, et en goretex, et j’en suis très satisfait. Au moment de les changer, je prends la peine de bien étudier les nouveautés techniques pour faire le meilleur choix. Comme autre matériel, j’ai juste un bâton de marche de la marque Lekki, téléscopique, que j’utilise surtout dans les descentes caillouteuses pour mieux me stabiliser. Puisque je suis dans l’inventaire de mon sac, il contient aussi un sac de couchage, une couverture de survie, quelques habits de rechange dont un polaire,et des chaussettes ( rien de plus désagréable que de rechausser des chaussettes humides le lendemain d’un jour de pluie), un poncho de pluie, un sac de dattes, d’abricots séchés , d’amandes et de noisettes, qui constituent mes vivres de course, une gourde d’eau. Mon passeport, rangé dans une pochette étanche, ainsi que ma carte bleue et le peu d’argent liquide que je garde sur moi sont cachés dans un double fond que j’ai aménagé dans la couture interne du sac: quand on voyage seul, on ne sait jamais sur qui on tombe. Dans les villages, les épiceries Vival sont comme des cousins lointains chez qui je retrouve aussi sûrement que la lune autour de la terre des choses familières comme du pain, du fromage, quelques fruits. Pour dormir, je demande sans honte si quelqu’un veut bien m’héberger. Et ça marche plus souvent qu’on ne le croit. Ou alors on m’indique une grange ou un hangar. En ville je cherche une auberge de jeunesse et s’il n’y en a pas, je suis obligé de chercher un hôtel bon marché, qui en général se trouve dans des quartiers louches, et ça, je n’aime pas trop. Je préfère donc éviter dans la mesure du possible les villes.

Une fois par an en moyenne, je reviens rendre visite à ma mère. Elle habite toujours le même appartement à Passy, là où mon père a travaillé jusqu’à sa retraite et où il est enterré. En général, nous sommes contents de nous retrouver, et nous sommes soulagés à mon départ. Ma mère s’est finalement résignée à me voir mener la vie que je mène, et depuis cette résignation, elle ne se lamente plus à chacune de nos rencontres. Les espoirs qui l’ont nourrie quand elle me voyait grandir, faire des études, commencer une carrière qui s’annonçait sinon brillante du moins confortable, se sont évanouis, et notre relation est faite désormais d’une grande tendresse à peine teintée de tristesse. Je repars toujours avec le sac plein de victuailles, ma mère se remettant à chaque fois à cuisiner des plats que nous ne finissons pas, et dont j’emporte les restes.Je m’éloigne de son immeuble sans me retourner, mais je sais que ma mère est à sa fenêtre pour me regarder partir. Mais déjà je suis tout à ma nouvelle feuille de route…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Recettes familiales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE  1 : LE PORC.

 

 

 Porc au caramel( thit kho)

Ingredients : -viande de porc pas trop sèche (classiquement poitrine, en général : échine ou épaule).-sucre pour caramel .-nuoc mam. –sel, poivre, ail ;

 

Faire un caramel foncé directement dans le fait-tout : 1 càs de sucre à feu vif. Le sucre va blondir puis brunir. Baissez à feu moyen pour contrôler la cuisson. Quand le sucre a pris une belle couleur foncée, attention pas trop noire, on ajoute immédiatement de l’eau, puis la viande coupée en morceaux, le nuoc mam, le sel et le poivre, et l’ail écrasé. L’ensemble eau nuoc mam doit couvrir la viande. On porte à ébullition et on en profite pour enlever la mousse qui se forme en surface. Puis on couvre et on laisse mijoter à petit feu pendant une bonne heure voire plus. On remue de temps en temps et on rectifie l’assaisonnement. La cuisson est bonne quand la viande est bien tendre et se défait quand  on pique avec la pointe d’un couteau ou avec une baguette. A la fin de la cuisson, le liquide aura été bien réduit. Cependant si on préfère un jus un peu plus corsé, avant de servir, on remettra sur feu vif, à découvert, pour réduire franchement le jus. Le porc au caramel est servi avec du riz blanc  et du concombre coupé en rondelles.

Dans certaines régions, on ajoute un œuf dur dans ce plat.

Critère de réussite : le caramel ne doit pas être blond car il donnera un goût sucré. Il ne doit pas être cramé non plus, car il donnera alors un goût cramé.

 

Porc  sauté :

 

Ingredients : -viande de porc coupée en petits morceaux, -1 oignon coupé grossièrement, – 1càc de sucre, -ail, sel poivre, -sauce de soja, ( facultatif : 1 càc de fécule ou de maizena)

Dans une poële à frire, mettez un peu d’huile à chauffer à feu vif. Quand elle est bien chaude, ajoutez la viande en la remuant bien pour qu’elle soit saisie sur tous les côtés. Ajoutez le sucre et continuez à remuer. Attendez que la viande est un bel aspect, le sucre permettant de donner une coloration  brune. Ajoutez oignon et ail, salez, poivrez, remuez. Mettez ensuite un demi-verre d’eau puis couvrez à petit feu pendant 15-20 minutes en remuant de temps en temps.

En fin de cuisson, mélangez  dans un bol de la sauce de soja à un peu d’eau et une càc de fécule, puis versez sur la viande, remuez  1 minute et servez. Décorez avec ciboulette et feuille de coriandre coupées menu.

Porc sauté aux légumes :

C’est un plat familial et journalier. IL se prépare également avec du blanc de poulet, du bœuf  tendre, des crevettes. Les légumes sont choisis en fonction de la saison ou de ce que vous avez dans le congél. Les légumes doivent être saisis à feu vif pour garder leur croquant et c’est tout le charme de ce plat vite réalisé et bon marché.

Donc : -porc coupé en lamelles, – courgette, carotte, poivron, brocolis, choufleur, coco plat etc en petites quantité, le tout coupé en lamelles ou batonnets fins, – oignon coupé, ail.

Dans une poële ou wok, faites bien chauffer un peu d’huile. Dès qu’elle est chaude mettez-y oignon coupé et viande. Faites cuire à feu vif en remuant et en ayant assaisonné légèrement avec sel- poivre. Quand c’est cuit, mettez la viande de côté. Remettez la poële sur feu moyen avec un peu d’huile puis procédez à la cuisson des légumes, en commençant par les bouts de carottes qui sont plus durs à cuire, puis rajoutez    les autres légumes au fur et à mesure. Pensez toujours que les légumes doivent rester croquants. En 5 min ça doit être bon. Remettez la viande, mélangez, rectifiez l’assaisonnement puis ajoutez un peu de sauce de soja et une giclée de ketchup, mélangez bien et servez tout de suite. Quelques feuilles de coriandre et de ciboulette donneront une jolie présentation.

Plat typique  que vous aurez du mal à trouver dans les restos habituels. La préparation demande un peu de minutie, prévoyez donc du temps et un environnement zen. Pour votre confort, je vous conseillerai également de le confectionner pour un nombre limité de convives.

Ingr : -viande de porc, couenne de porc prédécoupée et séchée ( vendue dans toute épicerie asiate digne de ce nom), -th’in, sel poivre ail.

Détaillez la viande en quelques gros morceaux allongés. Si vous avez une pièce de rôti, ôtez l’élastique et coupez le rôti dans le sens de la longueur en 4 morceaux allongés. Faites rôtir au four ou au fait-tout. Assaisonnez. Ajoutez de l’ail écrasé en fin de cuisson. Laissez refroidir complètement.

En attendant, préparez le th’in et la couenne.

Th’in : dans 1 poêle sans matière grasse, faites griller 2-3 càs de riz cru, sur feu doux, jusqu’à ce qu’il prenne une belle blondeur. Passez- le au moulin à poivre pour le réduire en poudre.

La couenne : faites la bouillir dans de l’eau salée pendant 5 minutes. Versez dans une passoire et rincez bien soigneusement à grande eau en frottant  vigoureusement les filaments de couenne. Egouttez avec soin.

Quand la viande est bien refroidie, avec un couteau bien aiguisé détaillez la en très fine lamelles – puis les lamelles en très fins bâtonnets de qq mm d’épaisseur et d’env 1 cm à 1,5 cm de long. Procédez ainsi avec toute la viande. Remettez –la une fois coupée dans le fait-tout ou le plat de rôti pour mélanger avec le jus de rôti. Ajoutez th’in et couenne. Mélangez bien et rectifiez l’assaisonnement. Ne pas trop saler cependant car ça se mange avec du nouc mam.

Le bì se mange avec du riz blanc, du b’un (pâtes de riz froides) ou en rouleaux de galettes de riz assouplies à l’eau ( bì cuôn). Il est toujours accompagné de salade aux herbes viet coupées   très menu ainsi que des germes de soja. Le tout assaisonné de sauce au nuoc mam que vous préparez avec : nuoc mam, eau, citron ou vinaigre, 1 pincée de sucre, qq filaments de carotte pour faire joli. Piment pour les fans de hot.

Porc au char-xiu

Recette express grâce à la poudre prête à l’emploi. Prenez de la viande de porc coupée en gros morceaux, frottez la avec la poudre diluée dans un peu d’eau ou de jus d’orange + une pointe d’ail écrasé. Laissez reposer. Faites rôtir avec un peu d’huile au fait-tout, ou au four. Servez la viande découpée en fines lamelles avec du riz et des rondelles de concombre.

Le porc au char-xiu sert aussi à garnir les soupes chinoise ( mì ou mì hoanh-thanh càd raviolis en potage).

Brochettes de porc à la citronnelle

Porc coupé en lamelles, citronnelle hachée finement avec ail oignon, sel, poivre, coriandre. Mélangez le tout et laissez mariner. Ensuite enfilez la viande sur des brochettes et faites cuire sur braises.

Cotis de porc au gril ( xuong nuong)

Hachez finement oignon ail coriandre sel poivre sauce de soja. Malaxez les cotis avec la préparation. Laissez reposer. Faites cuire sur braise. On peut aussi faire avec la poudre pour char-xiu.

Cotis de porc sauce aigre-douce(xuong xào chua ngot)

Prenez du cotis de porc que vous aurez coupé en morceaux de 5 cm env de long. Le plus simple c’est de demander à votre boucher. A défaut, de l’échine ou de l’épaule fera l’affaire.

Autres ingr : farine, sel, bicarbonate de soude, sucre, ketchup, fécule, sauce de soja. Légumes divers : à volonté tomate, oignon, carotte, poivron, brocolis, chou-fleur, ananas.

Faites une pâte visqueuse avec farine, pincée de sel, pincée de bicarbonate de soude et très peu d’eau. Mélangez la viande à cette préparation pour qu’elle soit bien enveloppée. Faites frire dans de l’huile bien chaude puis réservez.

Découpez l’oignon, le poivron, la carotte, en tranches, + quelques bouts de choufleur ou de brocolis + une tranche d’ananas coupée en triangles. Chez nous on met souvent de l’ananas mais si vous n’en avez pas sous la main, personne ne vous tiendra rigueur. Sauf les puristes. Dans une poêle, faites sauter à l’huile très chaude ces bouts de légumes. Assaisonnez sel poivre. Quand  les légumes sont à point ( légèrement croquants), ajoutez-y la viande et réduisez le feu.

Dans un bol, mettez : sauce de soja, eau, vinaigre, sucre, 1 giclée de ketchup, 1 càc de fécule.  Touillez et versez sur le mélange viande légumes, remettez à feu vif 1 min en remuant bien. Servez chaud, avec quelque brins de ciboulettes et feuille de coriandre fraiches .

Boulettes de porc grillées ( nem nuong)

 

Ingr/ – viande de porc un peu grasse+ porc filet, sel, 1 càs de nuoc-mam, poivre, 1 pointe d’ail,  1 poncée de levure chimique,  th’in, 1 càs de pastis pur ( facultatif).

La veille ( ou le matin pour le soir), découpez la viande en très fines lamelles, mettez dans un saladier, assaisonnez de sel, poivre, nous-mam, ail écrasé, pastis, levure chimique. Mélangez conciencieusement. Puis mettez une petite assiette sur la viande et un poids sur l’assiette de manière à bien peser sur la viande. Mettez au frigo.

Fabriquez le th’in : dans une poêle sans matière grasse, mettez une poignée de riz, faites griller doucement jusqu’à ce qu’il prenne une couleur blonde uniforme. Passez le au moulin à poivre pour le réduire en poudre.

Au moment de préparer, sortez la viande du frigo, hâchez-la à la moulinette électrique le plus finement possible. Ajoutez du th’in, la quantité est variable selon le gout de chacun, en gros pour une livre de viande, 2 à 3 càs de thin, mais je ne suis pas très sûre, faut voir. Formez des boulettes bien serrées que vous enfilerez sur des brochettes pour barbecue. Faites cuire sur braise ou à défaut au grill de votre four. No microwaves please.

Les nem nuong se mangent enroulées dans des galettes de riz assouplies à l’eau, avec salade, menthe fraîche, concombre, carambole, etc…, accompagnées d’une sauce au soja préparée comme suit : eau + sauce de soja + 1 peu de vinaigre et de sucre + 1 càs de fécule ( si pas fécule sous la main, farine acceptée). Faites cuire à petit feu en remuant jusqu’à ce que la sauce devienne gluante. Parsemez alors de cacahuètes concassées.  Anne-Claire préfère manger les boulettes avec une sauce au nuoc-mam, à mon sens c’est une hérésie, mais chacun fait comme il veut.

Variante : cha chiên : Au lieu de former des boulettes avec la viande hachée, formez des boules de la taille d’une balle de tennis que vous aplatissez. Faites frire comme un steak haché mais en laissant bien cuire. Servez avec riz et sauce au nuoc-mam.

 

 

Escalope de porc sauce a la chimay

Recette Belge. Faites griller l’escalope ou revenir dans une huile très chaude, salez et poivrez. Sortez la du feu et reservez la au chaud. Dans la poelle, faites revenir une ou deux échalottes pour les dorer, puis y ajouter de la bière de Chimay, avec la spatule raclez bien pour récupérer tout le jus de viande, baissez le feu, laissez réduire puis enfin, ajoutez de la crème fraiche. Servez immédiatement l’escalope arrosée de la sauce et accompagnée soit de tagliatelles soit de pommes sautées, décorée de persil hâché. La Chimay peut être remplacée par une autre bière, de préférence brune.

Bun cha

Epaule ou rouelle de porc, coupée en très fines lamelles. Préparez une marinade avec du nuoc mam, une pincée de sucre, de l’ail écrasée, de l’échalote coupée finement du poivre vert frais concassé ( si non : du poivre noir concassé). Faites mariner la viande pendant plusieurs heures.

–         Préparation du bun : on appelle bun les pâtes de riz de section ronde, au VN c’est vendu frais, en France c’est sous formes de pâtes sèches à faire cuire dans de l’eau bouillante comme des spaghetti, mais en général elles sont cuites plus vite. Donc faites cuire le bun comme indiqué sur le paquet, puis égouttez le dans une passoire, en l’arrosant d’eau froide pour éviter que les pâtes soient collées. Une fois le bun bien égoutté, mettez le dans un plat de service.

–         Préparation du nuoc-mam : les bun froids sont accompagnés d’un sauce nuoc-mam classique : nuoc-mam + pincée de sucre + jus de citron ou vinaigre + eau pour diluer + ail écrasé. Rectifiez l’assaisonnement selon votre goût. Décorez de quelques brins de coriandre ou de carotte râpée. Le piment sera présenté à part.

–         Préparation de la salade et des herbes : lavez la salade et les herbes : menthe, coriandre, ciboulette, basilic thaï. Soit vous les présentez telles quelles sur une plat, soit vous les coupez en lamelles.

–         Juste avant de servir, faites cuire la viande dans une huile très chaude.

–         Posez tous les ingrédients sur la table, et laissez chacun se servir à sa guise.

 Banh bao

Ce gâteau d’origine chinoise est très répandu au VN où les gens le consomment soit au petit déj, soit à tout moment de la journée, mais en général, il n’est pas servi au cours d’un repas. Il consiste en une pâte à pain fourrée d’une farce à la viande de porc.

–         la pâte à pain : même préparation que la pâte à pizza, avec farine de blé, sel, levure de boulanger, pincée de sucre, eau. Laissez gonfler.

–         Préparation de la farce : faites cuire un œuf dur. Réhydratez quelques pétales de champignons noirs, nettoyez-les et coupez-les en fines lanières. Coupez une demi-carotte en petits dés, ainsi qu’un demi-oignon. Faites-les blanchir quelques minutes dans de l’eau bouillante.

Hachez de la poitrine de porc. Egouttez-bien les légumes, puis mélangez-les à la viande. Assaisonnez avec sel, sauce de soja et poivre. Formez 8 à 10 boulettes avec cette farce. Par ailleurs découpez l’œuf dur en 8 ou 10 parties égales, en faisant de sorte que chaque bout comprenne du blanc et du jaune.

– prenez une feuille de papier blanc, découpez une dizaine de carrés.

– façonnage des banh bao : partagez la pate à pain en 8 ou 10 portions.     Prenez une portion, applatissez avec un rouleau à pâtisserie, mettez une boule de farce + un quartier d’œuf au milieu du cercle de pâte, puis refermez la pâte autour de de la viande,(comme une aumonière) puis pincez fortement le bord. Posez le banh bao sur un carré de papier. Faites de même avec toute la préparation. Laissez re-gonfler la pâte.

Cuisson : Les banh bao sont cuits à la vapeur, 20-25’ environ. Vous pouvez utiliser la cocotte minute avec son panier, ou un wok avec un dispositif spécial cuisson-vapeur (vendu dans les épiceries asiatiques.)

Servir avec une sauce soja.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE DEUX : LE POULET

 

 

 

Poulet au curry

 

Il y a autant de recettes de curry de poulet de que de cuisinières. Moi-même je compose avec les différentes pâtes de curry que je trouve. Mes favoris/ Vinday,  Madras, Byryani, Vindaloo. Je n’utilise pas les curry indonésien ou malais car je les trouve trop fort à mon goût.

Ingr : – 1 poulet en morceaux, ou des cuisses ou des ailes, oignon, ail, sel,  graines de cumin, graines de moutarde, cannelle, gingembre, 1 feuille de laurier.

Toutes ces épices ne sont pas strictement obligatoires, disons qu’elles donnent une touche perso à votre curry. Si vous n’en n’avez pas, la pâte de curry est suffisamment épicée. 1 demi-pot de yoghourt.

Dans une cocotte, faites chauffer un peu d’huile, puis mettez-y les morceaux de poulet et l’oignon coupée en quartiers. Faites dorer. Puis ajoutez l’ail écrasé, et les épices broyées, ainsi que la pâte de curry, env 2ou3 càs, vaut mieux en mettre peu et rajouter ensuite que trop d’un coup. Mélanger bien, ajoutez le sel en sachant que certaines pâtes de curry sont déjà salées. Ajoutez de l’eau jusqu’à couvrir à peu près la viande, attendez quelques gros bouillons puis réduisez à petit feu, couvrez et laissez mijoter env 20 à 25 min. En fin de cuisson, rectifiez l’assaisonnement, si besoin remettez à feu vif et à découvert pour faire réduire la sauce, puis juste avant de servir, rajoutez le demi yoghourt. Servez avec quelques feuilles de coriandre.

Le curry est servi avec du riz blanc ou du riz indien. Les puristes prennent du riz Basmati. 1 pot de yaourt de riz pour deux personnes. Mettez  dans un  saladier allant au microndes . ajoutez une demi-cuillerée de safran, quelques graines de cumin et de pistaches ou d’amandes concassées, une bonne dose de coco râpé. Ajoutez de l’eau dont le niveau doit dépasser le riz d’une phalange ( compris ?) Mettez 3 min à puissance max à découvert, puis après avoir donné une tour de cuillère pour mélanger, couvrez et remettez à cuire à puissance moyenne pendant 12 min pour 2 doses de riz ou 15 min pour 3 doses de riz. Avant de servir, aerez le riz en mélangeant doucement avec une cuillère de service.

Accompagnez de concombre râpé assaisonné de yaourt et de citron et de feuilles de coriandre.

Les Indiens boivent du « lassi » qui est un lait fermenté ressemblant au yaourt à boire. Ils servent aussi des « nan » sorte de pain azyme.

Poulet au gingembre

 

Ingredients : un poulet ou morceaux de poulet, gingembre frais, oignon, ail sel poivre, sauce de soja, 1 càs de fécule.

Dans un fait-tout, faites chauffer un peu d’huile, puis quand c’est bien chaud, mettez à dorer les morceaux de poulet, puis ajouter l’oignon coupé grossièrement et la gousse d’ail écrasée ;  laissez dorer un moment à feu vif, en retournant les morceaux. Puis ajoutez le gingembre râpé finement, assaisonnez sel poivre, ajoutez juste un fond d’eau, couvrez et laissez mijoter à petit feu pendant 20-25 min. en retournant les morceaux de temps en temps. En fin de cuisson, mélangez dans un bol la fécule avec de l’eau et de la sauce de soja, ajoutez à votre poulet et mélangez bien. Le gingembre est un ingrédient assez piquant, dosez le donc bien en fonction du goût des convives. Servez avec riz blanc.

Poulet à la citronnelle

Ingr : Blanc de poulet, oignon, ail sel poivre, citronnelle fraiche.

La citronnelle est une herbe très parfumée, largement utilisée chez nous . Elle est assez dure et coupante, prenez donc soin de la hacher finement avant. Vous pouvez par défaut utiliser la citronnelle séchée, mais elle est nettement moins parfumée et surtout très dure, il faut la faire tremper longuement au préalable.

Coupez les blancs de poulet en lamelles, de même que l’oignon. Dans une poêle, faites chauffer de l’huile à feu vif, elle doit être très chaude. Jetez-y les tranches d’oignon, remuez un coup puis ajoutez les lamelles de poulet, l’ail écrasé et la citronnelle finement hachée. Salez, poivrez. Remuez sans cesse la viande, toujours à grand feu pour qu’elle soit saisie. Eventuellement, baissez à feu moyen et laissez terminer la cuisson qui doit être rapide avec les petits morceaux. Au moment de servir, mettez la viande dans un plat, puis remettez la poêle sur le feu avec un d’eau pour récupérer le jus de cuisson. Versez sur les morceaux de poulet et décorer avec ciboulette et coriandre en feuilles.

Poulet aux pousses de bambou

Ingr : poulet coupé en morceaux, des pousses de bambou fraiches si possible sinon une boites de conserves ferait l’affaire, quelques pétales de champignons noirs, quelques champignons parfumés ( n’âm huong ), un peu de vermicelle de riz, sauce de soja, sel poivre oignon ail. Une poignée de cacahuètes concassés.

Faites tremper les champignons dans de l’eau puis nettoyez-les, enlevez les pieds et coupez-les en lamelles.. Dans un bol, faites aussi tremper la vermicelle de riz puis coupez les brins. Egouttez les pousses de bambou et coupez les en fines lamelles.

Dans un fait-tout, faites revenir la viande dans un peu d’huile, ainsi que l’oignon coupé, l’ail écrasé. Quand la viande est bien dorée, ajoutez les champignons et les pousses de bambou, assaisonnez avec sel poivre sauce de soja, mélangez bien, ajoutez un demi verre d’eau, attendez quelques bouillons puis réduisez le feu, couvrez et laissez mijoter une demi-heure env. en retournant de temps en temps les morceaux. Surveillez la consistance de la viande, le temps de cuisson dépend de la qualité de la viande choisie. Rectifiez l’assaisonnement avec la sauce de soja. En fin de cuisson il doit rester un généreux jus de cuisson. Ajoutez ensuite la vermicelle qui est cuite en quelques minutes. Servez le plat       garni de cacahuètes concassées. Riz blanc.

Poulet Tikka

 

Recette indienne, facile à faire, et adoptée par les Coulot dès le premier essai.

Ingr. : cuisses ou ailes ou pilons de poulet, graines de coriandre, curcuma, paprika, gingembre, cumin, sel, oignon, ail, 1 yaourt.

Broyez les épices avec le sel, l’oignon et l’ail puis mélangez au yaourt pour faire

mariner le poulet quelques heures ou une nuit. Faites rôtir au four, ou au barbecue, et servez avec du riz indien et une raïta de concombre.

Riz indien : riz basmati pour les puristes, mais une autre variété fera l’affaire, 1 verre de moutarde pour 2 personnes, laver, mettre dans un récipient compatible micro-ondes. Mettre de l’eau à une phalange au dessus du riz. Ajouter un peu de safran, une pincée de cumin en grain, du sel et une ou deux cuilerées à soupe de noix de coco râpé. 3’ à puissance max, puis couvrir et terminer  à puissance médium pendant 9’ pour 2 pers., 12’ pour 4 pers. Et 15’ pour 6 personnes. Quand c’est cuit, ajouter des amandes effilées et mélanger délicatement.

Raïta de concombre : râper un concombre, presser pour enlever un peu de jus, puis y ajouter un yaourt, du jus de citron, cumin, sel, terminer avec ciboulette et coriandre en feuille cisaillés.

Poulet aux champignons

 

Faites tremper dans de l’eau chaude  des champignons noirs (nâm mèo ou oreilles de chats) pour les faire gonfler. En même temps, faites bouillir de l’eau, puis faites-y cuire des champignons parfumés (nâm huong, en vente dans épiceries asiatiques) une quinzaine de min, ces champignons étant assez coriaces surtout séchés. Puis rincez-les, égouttez-les et coupez-les en lamelles pas trop fines ni trop épaisses. Faites de même avec les champignons noirs.

Dans un fait- tout ou une poelle, faites sauter à l’huile un poulet coupé en morceaux avec oignon coupé, ail écrasé, sel ,poivre, un bout de gingembre frais râpé ( de la grosseur d’un pouce),sauce de soja.. A mi-cuisson, ajoutez les deux sortes de champignons, couvrez et laissez mijoter jusqu’à cuisson complète du poulet. Avant d’arrêter la cuisson, délayez une c-à-s de fécule ou de maïzena dans un peu d’eau puis rajouter à la préparation pour lier le jus. Rectifiez l’assaisonnement si besion avec de la sauce de soja. Décorez de brins de coriandre frais pour servir.

Poulet à la pomme

Recette qui n’a rien à voir avec le Viet-Nam, que papa a pêchée sur internet, et qui est bien pratique car vite faite et bonne.

Ingr : escalopes de poulet ( une par personne),oignon, ail, paprika, quelques cuillerées à soupe de calvados ou cognac ou armagnac, deux ou trois pommes de préférence à chair ferme, un peu de crème fraiche ou UHT.

Dans une poëlle large, faites revenir les escalopes dans de la margarine chaude, pour bien les faire dorer. Assaisonnenez  avec sel, poivre, pincée de praprika; Ajoutez les pommes coupées en quartiers, réduire un peu le feu et surveillez la cuisson en retournant les pommes pour les faire dorer des deux côtés sans défaire les quartiers. Quand c’est bien cuit, remettez un petit coup à feu vif, arrosez de calvados, flambez avec une allumette en faisant attention de ne pas provoquer un incendie !! puis une fois qu’il n’y a plus de flamme, versez la crème à la préparation. Disposez sur un plat les escalopes entourées de quartiers de pommes, décorez de persil ou cerfeuil, et servez avec des tagliatelles ou du riz créole.

Pho au poulet ( pho gà)

Recette de base de la cuisine nord-vietnamienne, sans laquelle les expat seraient malheureux comme des poux.

Ingr : pour ma part, je préfère la poule au poulet pour cette recette. Une belle poule donc, un gros bout de gingembre, 5 ou 6 étoiles d’anis, de la cardamone, un brin de cannelle, deux clous de girofle, deux oignons, sel poivre. Pates speciales pour pho.

Tous les ingrédients sont facilement trouvables dans les épiceries asiatiques voire dans certains hypermarchés. Si vous voulez faire simple, il existe des préparations d’épices prêtes à l’emploi, mais le gout est moins subtil et surtout la couleur brune est moins belle que si vous vous donnez la peine de faire vous-même.

Un conseil : ne soyez pas rebutés par mes explications, c’est plus long à dire qu’à faire. Lorsque vous l’aurez faite une fois vous verrez que le tour de main est vite acquis.

D’abord faites griller les étoiles d’anis et un oignon, cette opération va exhaler le parfum des épices. Mettez les dans une cocotte, ajoutez de l’eau en grande quantité, la poule, le gingembre écrasé, la cardamone, la cannelle, les clous de girofle le sel et le poivre. Portez à ébullition puis couvrez et faites mijoter à petit feu jusqu’à ce que la viande soit bien tendre. Une cocotte minute permet de réduire le temps de cuisson. Une fois que c’est cuit, sortez la poule et laissez refroidir.

Pendant ce temps, coupez le 2è oignon en très fines lamelles que vous faites macérer dans un bol avec du vinaigre blanc.

Dans une autre casserole mettez les pâtes à tremper dans de l’eau froide.

Revenez à votre poule qui a eu le temps de refroidir : dépecez la viande en petits morceaux.

L’heure du repas arrivant, remettez sur feu vif la cocotte contenant le jus de cuisson.
Portez la casserole de pâtes à ébullition, temps de cuisson autour de 3,4 min en fonction du degré de fermeté souhaité.Versez les pâtes dans une passoire et passez-les sous le robinet froid ( cette opération évite que les pâtes se collent entre elles, tout en évitant de mettre une matière grasse).

Au moment de passer à table, préparez chaque bol comme suit : prenez un bol à soupe ( plus grand que le bol de riz ), disposez des pâtes puis la viandes, puis les lamelles d’oignon au vinaigre. Avec une louche, versez le potage bouillant sur les pâtes. Remettez le liquide dans la cocotte en veillant à garder les pâtes et la viande dans le bol. Recommencez l’opération dans le but de servir un bol de soupe très chaude. Garnir de ciboulette et coriandre coupées.

Faites de même pour autant de bols qu’il y a de convives.

A table, chacun assaisonnera à sa guise avec du nuoc nam, un peu de jus de citron, des feuilles de menthe fraiche, de basilic Viet, du piment. Les gens du Sud aiment bien ajouter des germes de soja.

 

SALADE DE POULET ( Gà xé phai)

 

Cette recette comporte  beauucoup de variantes qui font le charme de la cuisine Vietnamienne et vous permettent de décliner le thème en autant de variations que vous suggèrera votre inspiration. Je donne la recette classique des Nguyen-Truong.

Ingr : poulet cuit à l’eau,1 poignée de crevettes cuites, oignon, coriandrefrais, menthe,basilic Viet, ciboulette, chou blanc râpé très fin,carotte râpée, poivron rouge coupé en très fines lamelles, nouc mâm, vinaigre ou citron, cacahuètes concassées.

Détaillez le poulet en fines lamelles.Décortiquez les crevettes et coupez les dans le sens sagital. Coupez l’oignon et les herbes en petits bouts, mélangez tous les ingrédients avec le chou, un peu de carotte et un peu de poivron rouge. Le tableau est celui d’une jolie union de blanc, vert, rouge, orange. Faites ensuite une sauce faite de nuoc mâm, un peu de sucre ou d’édulcorant, du vinaigre et de l’eau, et du piment pour les amateurs. Versez sur votre salade et mélangez bien. Décorez de cacahuètes concassées et de brins de coriandre. Servez avec des chips de crevettes .

La même recette peut être faite avec, à la place du choux, des navets râpés, de préférence des navets longs, ou des germes de soja, ou encore le nec plus ultra, de la papaye jeune encore dure et verte, qu’on râpe également.

HU TIËU Gà

Le Hu –tiêu est un potage avec de pâtes de riz. Dans le Sud, on sert le hu-tiêu Nam-Vang (cambodge), ailleurs c’est plus souvent du hu-tiêu à la mode chinoise.

Ingrédients :morceaux de poulet rôtis au xa-xiu, pâte de pho, bouillon de légumes, oignons frits ( vendus en épiceries asiatiques), germes de soja,ciboulette, coriandre.

Faites cuire les pates quelques minutes dans beaucoup d’eau bouillante, egouttez  puis douchez les d’eau froide pour éviter qu’elles soient collées.Réservez.

Faites un bouillon de légumes ou de poulet. On peut aussi  y ajouter des crevettes sechées.

Découpez le poulet en lanières.

Dans un grand bol, disposez au fond une poignée de germes de soja, puis une poignée de pâtes, puis les morceaux de poulet. Mouillez avec le bouillon ( recommencez plusieurs fois si vous aimez un potage très chaud). Puis disposez les herbes finement hâchées, les oignons frits. Servir avec une sauce de soja à part.

CHAPITRE TROIS. LE BOEUF

 

 

Bœuf saté

 

 

Recette d’origine indonésienne, mais très répandue dans le reste de l’asie. Très facile à faire grâce à la poudre de saté prête à l’emploi. Veillez à préparer le riz avant car il est plus long à cuire.

 

 Ingr : morceau de bœuf tendre ( rumsteack par ex) oignon ail poudre de saté, feuille de basilic asiatique, cacahouète.

Cocassez les cacahouètes. Laissez de côté. Dans un bol mélangez la poudre de saté avec un peu d’eau pour obtenir une pâte semi-liquide. Laissez de côté.

Coupez le boeuf en très fines tranches, de même que l’oignon. Dans une poêle faites chauffer de l’huile à feu très vif, versez-y la viande, l’oignon et l’ail écrasé. Le bœuf doit être saisi, et sa cuisson doit être rapide, sous peine de perdre de sa tendreté. Versez la pâte de saté sur la viande et touillez rapidement. Versez dans le plat de service . Saupoudrez de cacahouètes concassées et ciselez les feuilles de basilic par-dessus. Servez avec riz blanc.

Bœuf aux pousses de bambou

Reportez vous à la recette de poulet, et remplacez le poulet par du bœuf tendre.

Pho au bœuf

Même préparation que pour le pho au poulet. On utilisera un morceau à bouillir tel que plat de côte, bourguignon, bœuf à braiser. Comme pour la poule, une fois cuite, vous sortirez la viande, la laisserez refroidir puis la découperez en fines lamelles. Parfois on peut y ajouter des lamelles de bœuf tendre qu’on ajoutera à la dernière minute, pour qu’elles soient juste saisies (pho tai)

Rouleaux crus au bœuf

 

La cuisine vietnamienne regorge de ces rouleaux de galettes de riz crues, dont la farce peut varier : viande ou crustacés. Ici je vous donne la recette avec du bœuf, mais avec des crevettes ou du porc grillé ce sera assez idem.

Ingr : viande de bœuf tendre, salade, menthe fraiche, basilic viet, carambole ou toutes sortes d’autres herbes aromatiques viet + une sorte de civette un peu aplatie ( he), + du soja germé, cacahuetes concasseés, citronnelle fraîche hâchée, sauce hoi-sin, galettes de riz. Oignon, ail, sel, poivre.

Détailler la viande en tranches très fines, de même que l’oignon. Ecraser l’ail. Faites revenir dans de l’huile très chaude pour que la viande soit saisie tout en restant tendre. Saler et poivrer très légèrement. Y Ajouter la citronnelle hachée fin, et les cacahuètes concassés.

Humecter les feuilles de riz une à une pour les assouplir sans qu’elles soient complètement trempées, étaler les sur une surface plane et propre et attendre qu’elles soient bien souples, si besoin humecter les encore, en tapotant un peu, vous me suivez jusqu’ici ?

Sur chaque galette, disposer : une feuille de salade, des feuilles de menthe, de basilic et d’autres herbes, éventuellement quelques germes de soja, puis un brin de civette. Mettre dessus un peu de viande sautée, puis sur la viande un peu de sauce hoi’sin. Fermer les deux bords latéraux de la galette puis rouler la en serrant bien afin d’obtenir un rouleau bien ferme, prêt à être dégusté. Pour réussir cette opération, je conseille de prendre des galettes rondes et non celles qui sont pré-découpées en quart de cercle. Répéter avec autant de galettes que nécessaire. Je vous fais remarquer au vu des ingrédients que ce mets comme beaucoup de mets viets constitue un repas complet. C’est un plat froid idéal pour une journée d’été.

Bœuf au basilic thaï

 

-Ingr : viande de bœuf très tendre, oignons ail, citron, basilic thaï, nuoc nam, poivre, cacahuètse concassés.

Coupez la viande en très fines tranches, de même que l’oignon. Ecrasez l’ail et mélangez le tout avec une cuillerée à soupe de nuoc nam, le jus d’un citron( idéalement citron vert),du poivre, puis laissez mariner. Au moment du repas, faites revenir très rapidement la viande dans un peu d’huile très chaude. Rectifiez l’assaisonnement avec du nuoc nam. Versez dans le plat de service, puis parsemez de cacahuètes concassés et de feuilles de basilic coupées.

CHAPITRE IV : POISSONS & CRUSTACEES

Etant bordé de mer sur toute sa longueur, recevant au Sud le delta du Mékong, parcouru de nombreuses rivières aux noms de rêve, le VN est un pays de pêcheurs. Les Viet mangent beaucoup plus de poissons que de viandes, les produits de la pêche sont tellement frais et succulents qu’ils sont souvent préparés très simplement, en grillades, en soupe ( canh), ou rapidement sautés à l’huile. Une excellente façon traditionnelle de cuire le poisson, surtout dans le delta consiste à envelopper le poisson sans l’écailler dans de la boue mélangée à de la paille, et de faire cuire dans un feu de paille. Une fois le feu fini ( tu as le temps de crever  de faim), on casse la croûte ( de boue séchée), en l’enlevant, les écailles viennent avec ( malin, non ?), et on mange çà avec du riz du nouc mâm et un peu de légumes en pensant que la vie est belle. Mais foin le bavardage, voici quelques recettes familiales.

Potage au crabe

Ingr :1 crabe ou 1 tourteau, à défaut une boite de chair de crabe, des asperges blanches, à défaut une boite d’asperges en conserve, un cube de bouillon de poulet, coriandre frais, perles de tapioca.

Faire cuire le crabe dans de l’eau salée bouillante, le laisser refroidir puis en extraire patiemment toute la chair sans se blesser et sans s’énerver. Au pire, opter pour du crabe en boîte. Idem pour les asperges. Couper les asperges en batonnet de 1.5 à 2 cm de long puis détailler les encore en filaments. Mettre dans un fait-tout de l’eau, du bouillon de poule (que vous pouvez faire avec une carcasse de poulet à faire mijoter longtemps à petit feu, mais je vous fais gràce de cet exercice d’un autre âge,) puis ajouter la chair de crabe et les asperges. Laisser un peu sur feu moyen. Pendant ce temps, délayer le tapioca dans un peu d’eau froide. Juste avant de servir ajouter le tapioca au potage, donner quelques gros bouillons tout en remuant. Le tapioca est cuit en quelques minutes. Enfin, battre l’œuf en omellette et ajouter en remuant énergiquement. L’œuf est alors cuit sous forme de filaments. Décore de coriandre frais ciselé.

Calamars à l’ananas

 

Ingr : Rondelles de calamars, 2 traanches d’ananas frais, poivron, céléri branche, tomate, oignon, ail, sauce soja.

Faites chauffer un peu d’huile dans un wok. Jetez-y l’oignon coupés grossiérement, puis les rondelles de calamars. Faites revenir à feu vif un moment pour les faire bien dorer puis couvrez et baissez le feu faites cuire environ 15 min. Ajoutez alors les tranches d’ananas coupées en triangle, le poinvron coupé en lamelles, le céléri détaillé en bâtonnets,  la tomate également coupée en tranches et l’ail écrasé. Assaisonnez. Pour ma part j’aime bien y mettre une pincée de curcuma et de paprika. Remettez à cuire à feu moyen, les légumes doivent rester croquantes, comme souvent en cuisine Viet. Cette recette se fait aussi avec une sauce aigre-douce. Servez avec un brin de coriandre cisaillé.

Crevettes grises sautées au sel ( tôm rang muôi)

Ingr : petites crevettes grises, ail,  sel.

 

Faites chauffer un peu de matière grasse dans une poelle, quand c’est bien chaud, jetez-y les crevettes grises sans les décortiquer sinon c’est mission impossible !, l’ail écrasé, et le sel. Faites cuire à feu vif. Le résultat obtenu doit être assez sec. Plat traditionnel des familles des régions côtières, bon marché et succulent. Se mange avec un riz blanc accompagné d’une soupe de légumes ( canh) ou de légumes sautées.

Cari de crevettes ( tôm cà-ri)

Ingr : crevettes, oignon,ail, poivron rouge, graines de coriandre, graines de moutarde,cumin, curcuma, poudre de curry, coco râpé.

Décortiquez les crevettes. Coupez l’oignon et le poivron en lamelles épaisses. Dans une mortaise, pilonnez les épices pour bien les écraser. Dans une casserole, faites chauffer un peu de matière grasse, quand c’est chaud, reduisez le feu, puis ajoutez les épices, le coco râpé et remuez bien. L’ensemble va prendre un peu de couleur et exhaler une bonne odeur suggérant des paysages de rêve !!! Ajoutez alors un petit verre d’eau, puis les crevettes, l’oignon et le poivron. Salez. Couvrez et laissez cuire à feu moyen une dizaine de minutes. En fin de cuisson, ajoutez un peu de crème fraiche, ou de yaourt, et rectifiez l’assaisonnement. Servez avec un riz Basmati.

Brochettes de gambas à la Viet ( chao tôm)

C’est un plat typique du delta, un plat de fête même si pour les Viêts manger c’est toujours une fête. Il est assez inhabituel et original pour épater vos copains pour peu que vous vous donniez la peine de le réaliser.

Ingr : grosses crevettes ou gambas crues, sel, poivre, ail. Bâtons de canne à sucre.

Normalement la canne à sucre est vendue en France rn bâtons d’une trentaine de cm. Enlevez l’écorce dure. Coupez le bâton dans le sens de la longueur pour obtenir des brochettes de l’épaisseur d’un doigt, et longues comme une brochettes en bois que vous prenez pour enfilez les grillades d’été.

Décortiquez les crevettes, passez-les à la moulinette avec une pointe d’ail, du sel, du poivre, pour obtenir un hachis très fin. Prélevez une boule de cette chair dont vous enveloppez un bâtonnet de canne-à-sucre.Pressez bien pour avoir une bonne adhésion. Recommencez l’opération avec toute la chair de crevettes. Laissez reposer. Les brochettes sont cuites au barbecue. Pendant la cuisson, la chair de gambas s’imprègne du jus de canne-à-sucre, c’est ce qui fait sa saveur particulière. Ces brochettes sont servies avec des galettes de riz crues, ramollies à l’eau, des germes de soja, de la salade verte et des herbes habituelles ( coriandre, menthe, civette Viet ou he, …), et une sauce hoi-sin délayée dans un peu d’eau, adoucie de sucre, et parsemée de cacahouètes concassées. Et, bien entendu, purée de piment pour les amateurs.

 

Je commence la nouvelle année comme j’ai terminé la précédente : en vie. C’est déjà ça. Avec l’envie de continuer encore d’être émue devant une branche prise dans le gel cristallin, de  m’exciter devant le premier bouton de primevère sorti sur un talus annonçant le printemps, de rire des facéties de mon petit fils, de me pincer pour justement ne pas rire d’un propos tordant d’un patient.

 J’ai reçu beaucoup de richesses de la vie, les plus belles ont été les plus humbles : je me souviens d’un Noël passé à Lausanne il y a des lustres. J’étais en Europe depuis un an, je n’avais pas d’autres soucis que mes cours et mes examens, et j’étais libre de nouer et défaire des amitiés éphémères  et des amours d’essai ( comme on dit d’un galop d’essai). Ce Noël là , j’étais à Lausanne avec un garçon tout aussi désargenté que moi. Nous avions vidé nos maigres économies dans l’achat du billet de train Grenoble-Lausanne, avec la vague intention de passer le réveillon avec des amis qui finalement avaient d’autres projets, si bien qu’on s’était retrouvé le soir du 24 décembre sans rien. Nous avons erré en grelottant dans le centre ville illuminé de  mille feux clignotants , encombré de passants qui s’empressaient de faire leurs dernières courses, puis peu à peu les rues se vidaient et bientôt nos pas solitaires résonnaient sur les trottoirs gelés. N’ayant plus de train pour rentrer, nous n’avions pas d’autres choix que de passer la nuit à la gare, et cette perspective, doublée du mal du pays qui à l’époque ne me lâchait pour ainsi dire jamais, me rendait triste et légèrement en colère contre mon ami qui a eu l’initiative de ce voyage pour le moins non préparé. A un moment nous passions devant une grande église (la cathédrale de Lausanne ?). Une messe commençait. Nous sommes entrés, autant pour chercher un peu chaleur que pour tenter de retrouver le sens religieux de cette fête. A la sortie, un homme, nous voyant hésitants quant à la direction à prendre, nous aborda et nous proposa de le suivre à une veillée du Secours Catholique à une rue de là. C’était dans un local anonyme, qu’on a décoré pour la circonstance de quelques guirlandes. De grandes tables montées sur tréteaux étaient installées. Des gens étaient déjà présents, des clochards, de pauvres hères usés par la vie, de jeunes aussi, en rupture de ban. Tout un peuple en temps normal invisible dans la ville se retrouvait là autour d’un poêle, en quête d’un peu de chaleur et de nourriture mais aussi d’humanité. L’homme qui nous y a conduits rejoignit d’autres hommes et femmes qui s’activaient à organiser la soirée. On s’installait autour des tables, tandis que la salle se remplissait d’autres arrivants, souvent seuls, mais aussi en couple ou en petits groupes. Les organisateurs étaient avenants mais discrets, ils nous invitaient à nous installer et nous servaient de la soupe chaude puis un repas. Dans la soirée, quelques personnes chantaient de chants de Noël, tandis que d’autres finissaient par s’assoupir à même la table. Avec le temps je n’ai plus aucun souvenir du repas, seule l’atmosphère de fraternité et de gentillesse discrète est restée très nette dans mon souvenir.

Ainsi se passait cette nuit de Noël, il y a des années de cela.

– Allo Florence c’est Cathy……Je viens juste d’arriver à Lille. …Je voulais te prévenir. Martine viens d’appeler, papa est mort….L’enterrement aura lieu mardi… Je ne vais pas pouvoir rester jusque là…. Enfin je voulais te prévenir, vois ce que tu peux faire. Je t’embrasse.

En refermant mon téléphone, j’ai l’impression que le silence se fait tout à coup dans le groupe de voyageurs amassés sur la plate forme en attendant que le train s’arrête complètement en gare. Ou peut être que ce silence est tombé comme une chape sur mon esprit, me coupant brusquement de la réalité qui m’entoure. Comme une automate je dis au revoir à mon collègue qui a fait le voyage avec moi, je lui souhaite un bon week-end et je cours vers le métro. Papa est mort, papa est mort. L’annonce faite par Martine dans le train fait l’effet d’une bombe, mais une bombe que je regarderais exploser à l’écran d’une télé, à la fois vraie et à la fois irréelle. Je me persuade que je ne suis pas touchée par la nouvelle. Que je n’irai pas à son enterrement. Et puis quoi encore ? Je trouve une place assise où je me laisse tomber lourdement.

Pendant toute notre enfance, ma sœur Florence et moi avons vécu avec ma mère. Ma mère travaillait dur pour nous permettre une scolarité normale et un confort de vie décent. Nous étions « pauvres mais fières » comme on dit chez nous dans le Nord. Je savais que mon père nous a abandonnées après avoir dilapidé sa fortune dans le pmu et les jeux, et après avoir mis sa famille sur la paille. Ma mère a fini par demander le divorce, mais jamais elle n’a prononcé une seule critique sur mon père. Mon père étant parti quand j’avais cinq ans, je n’ai gardé de lui qu’un vague souvenir qui s’est estompé peu à peu avec le temps, pour n’être plus qu’une silhouette imprécise et inconsistante, d’autant plus qu’il n’a jamais donné de ses nouvelles, ni versé le moindre centime de la pension alimentaire fixée par le juge. Parfois je pensais à lui quand je voyais que mes camarades étaient choyés par leur père, par exemple à la sortie des classes, quand des papas attendaient leurs enfants dans des belles voitures alors que ma sœur et moi on marchait jusqu’à l’arrêt de bus pour ensuite nous retrouver seules dans notre appartement, car maman rentrait tard de son boulot.

Après le Bac, j’ai obtenu une bourse pour continuer mes études tout en travaillant à droite à gauche pour joindre les deux bouts. Mon diplôme de compta en poche, j’ai rencontré Bruno lors d’un entretien d’embauche. J’ai eu mon job en même temps qu’a démarré ma relation amoureuse avec Bruno. Je l’ai ensuite suivi à Dijon où il a pris la direction régionale de sa boîte. Tout allait normalement jusqu’au jour où, il y a un an, ma mère m‘a appelée pour me dire que mon père venait de téléphoner, il est revenu à Lille, et souhaitait renouer avec nous. Ma mère d’emblée refusait de le voir, mais après une longue discussion, nous avons accepté de lui donner rendez-vous dans un café. Ma sœur Florence, maintenant mariée et mère de deux petits choux, nous a rejoints en boudant. Elle était la plus farouchement opposée à cette rencontre.

Il est venu avec une femme, Martine, qu’il nous présentait comme sa femme. Mon cœur se serre encore en repensant à cet homme usé, vieilli avant l’heure, les doigts jaunis par des années de tabagisme, qui essayait malgré tout de garder sa prestance. Il nous a parlé de sa vie passée à bourlinguer outre-mer, dans l’import-export, avec beaucoup de revers de fortune, mais aussi quelques « bons coups ». Puis ils nous a demandé de parler de nous, ce qu’on a fait rapidement de façon guindée. Il disait c’est bien, c’est bien, mais je voyais bien qu’il avait du mal à s’intéresser vraiment à ce qu’on disait. Puis quand on n’avait plus rien à se dire, il disait qu’il aimerait que désormais nous gardions le contact. On a échangé nos téléphones en nous disant en notre for intérieur que qu’on allait pas s’appeler. Au moment de quitter  le café, sa femme, qui était restée en retrait, nous a retenues pour nous dire qu’ils sont revenus à Lille pour qu’il puisse se soigner de son cancer généralisé. Nous n’avons pas réagi. Trop de nouvelles ,c’est trop de nouvelles !

Les mois qui ont suivi confirmaient le fait qu’il est rentré au pays pour mourir. Par Martine, qui me téléphonait régulièrement (je finis par avoir une forme d’affection apitoyée pour cette femme), je suivais la progression de la maladie, jusqu’à la dernière hospitalisation en urgence.

Et voilà qu’il est mort. Je ne l’ai pas revu depuis la réunion au café.

Tout à coup, je me mets à pleurer à grosses larmes. Une femme assis à côté de moi, prise de pitié, me prend le bras.

Qu’est-ce qui vous arrive, ,Mademoiselle ?

-Mon père est mort.

– Ah !  je suis désolée pour vous. Puis, après un silence : Moi, j’ai pas connu le mien.

Colors and sounds


Les souvenirs sont colorés: certaines couleurs sont évidentes comme le vert émeraude de mon voyage en Irlande, d’autres moins, et néanmoins elles accompagnent toujours une évocation/ le jaune safran pour le Viêtnam/la couleur des feuilles d’érable en automne pour Portland/le vert sapin pour la Bavière. Et le noir et blanc des vieux films de cinéclub que je désole de revoir en version colorisée. A chaque fois, j’en pleure presque. Dans le passé, j’ai fréquenté un atelier de peinture. Le prof était un type très sympa, pas toujours clair dans ses théories , mais sympa. A l’époque, à chaque rentrée scolaire en septembre, je m’astreignais à m’inscrire à deux activités,  une sportive et une « cérébrale » ou culturelle. Disons que c’était une sorte d’hygiène de vie . Et l’expérience prouve que j’ai toujours tiré profit de ces activités même si je devais me forcer un peu pour garder le rythme, surtout en hiver, quand il fallait sortir dans le froid et le verglas le soir après le boulot et après m’être occupée des enfants et de la maison. Mais j’ai jamais regretté. Je regrette plutôt aujourd’hui d’avoir perdu cette discipline. L’atelier de peinture donc, se tenait tous les jeudis dans une MJC, et nous étions sept ou huit élèves dont certains sont passés par les Beaux’Arts. Le prof passait son temps à leur « désapprendre » la peinture. Il avait l’habitude de dire que les Beaux’Arts donnaient des tics qu’ils devaient passer leur vie à enlever. En attendant, nous autres qui n’étions passés par aucune école, on aurait bien voulu avoir un peu de t(echn)ique. Mais enfin il était sympa, et avait parfois de bonnes idées pour décoincer notre mode de penser étriqué. Par exemple, il nous faisait faire des exercices avec la contrainte d’utiliser une seule couleur. Disons un orange de cadmium.On devait dessiner l’esquisse sans regarder la feuille(ça donnait un résultat presque abstrait). Puis il fallait utiliser la couleur en question (orange de cadmium en l’occurence) et trouver le plus de nuances possible en jouant sur le médium, le blanc, les traits, l’épaisseur…L’année d’après je ne me suis pas réinscrite. Le prof m’a téléphoné pour me persuader de revenir et me parlait de son intention de faire toute cette session rien qu’avec du jaune., pour explorer toutes les nuances de l’humeur avec cette seule couleur habituellement associée à la lumière. Comment dire la tristesse avec un jaune de Naples? Je ne me suis pas réinscrite malgré son insistance, et pourtant j’aimais bien ce prof. il m’a vraiment décomplexée dans l’abord des couleurs, et depuis mon passage dans son atelier, je n’ai plus regardé les choses autour de moi de la même façon..Ou plutôt, j’ai vraiment commencé à regarder grâce à lui.

Les sons aussi accompagnent les souvenirs. La Flûte Enchantée est pour beaucoup dans la bonne oreille musicale de Rémy, car je l’écoutais en boucle pendant la grossesse. Les symphonies de Malher étaient nos compagnons quand nous étions à Grenoble avec nos amis Catherine et Didier. Le tintement d’un cristallin me transporte dans le film Ice storm de Ang Lee. Et le troisième mouvement d’un trio pour piano, violoncelle et clarinette de Beethoven accompagneront pour toujours les pas dansants de Miou Miou sur les pavés de Paris dans La lectrice, le film de Michel Deville.Il y a aussi des sons plus simples comme le chant d’un coucou dans un bois, qui annonce le printemps plus sûrement que Météo France. Ou  le roulement discret d’une pierre en montagne qui vous fait chercher un chamois accroché à une pente caillouteuse . Et il y a des sons qu’on convoque pour retrouver une émotion devant un paysage de montagne silencieux: et on se met à entendre un gong, puis un accordéon d’abord lointain, puis de plus en plus fort, jouant une valse viennoise de Strauss, comme dans Padre Padrone des frères Taviani.

La route des abbayes

Après mon divorce, demandé par ma femme Suzanne que j’aimais encore profondément, j’avais eu une phase de dépression grave, qui s’était manifestée par une envie de larguer toutes les amarres. Notre fils Antoine venait de terminer ses études et s’apprêtait à partir un an au Canada, et il était la seule  personne qui comptait pour moi. Par conséquent plus rien ne me retenait. J’errais comme une ombre dans notre maison vide, le temps de trouver un acquéreur, puis, la moitié de l’argent de la vente sur mon compte bancaire, je partais. A soixante ans passés, le cœur encore lourd de chagrin, je n’avais aucun projet précis, juste partir.

Je n’avais pas l’intention de refaire ma vie, et d’ailleurs je n’avais toujours pas compris comment Suzanne avait pu me quitter pour un autre homme, qu’elle avait rencontré lors de réunions dans le cadre de son travail, pendant que j’attendais sans crainte particulière qu’elle fasse les quatre ans qui lui restaient pour prendre sa retraite à son tour. Nos projets de voyages à deux dans des destinations lointaines ne virent ainsi jamais le jour, mais peut-être Suzanne n’y avait-elle jamais cru. L’indifférence avec laquelle elle me quitta me faisait comprendre qu’elle s’était éloignée de moi depuis longtemps déjà sans que je n’en fusse conscient.

La dernière fois que je l’avais vue, c’était à la signature de la vente de notre maison, je regardais les petites rides qu’elle cachait sous son fond de teint, les premières taches brunes sur ses mains au moment où elle signait, et une vague de tristesse teintée de honte me submergea. Qui se transforma en amertume quand je voyais le type qui l’attendait au parking dans sa Mercedes série E, sapé comme un PDG. Elle aurait pu venir seule. Pourquoi se faire accompagner ? Craignait-elle un scandale de ma part ? Ou était-ce pour me montrer combien le nouvel homme de sa vie était mieux que moi, plus jeune, plus riche ?

Destination le Nord. Partant de Toulon, je n’avais pas d’autre choix, à moins de franchir la Méditerranée, mais auparavant je voulais commencer mon périple par un retour à Cabasse, petit bourg du Centre Var, pour me recueillir sur la tombe de mes parents, pèlerinage que je faisais tous les ans à la Toussaint, et que je ne ferais pas cette année là, ne sachant pas encore où je serais en Novembre. Cette visite faite, je trainai un peu désœuvré dans le village, et pris la décision d’aller à l’abbaye du Thoronet en voyant la photo du site dans la vitrine d’une agence commerciale. Le site étant tout proche, j’y parvins rapidement. Je connaissais bien cette abbaye cistercienne lovée dans un creux boisé, simple, modeste mais empreinte de sérénité. Je l’ai connue oubliée, guettée par la ruine, protégée seulement par les soins d’un groupe de d’amoureux du site, dont les membres vous faisaient faire la visite avec l’érudition gourmande que seule une passion peut susciter. C’était l’un deux qui, un jour d’automne, initia le petit garçon que j’étais alors au monde des monastères, qui m’apprit l’étymologie du mot orientation, les différentes parties de la chapelle, le cloître, le scriptorium, la salle capitulaire, ainsi que l’organisation de la vie des moines, me familiarisant avec le vocabulaire monastique : moines de chœur, convers, lais, bâtiments conventuels, hostellerie… bref, toute une grille de lecture de ces vestiges religieuses, lecture sans laquelle ce ne seraient que vieilles pierres plus ou moins en ruine, vaguement désolées et austères.

L’abbaye était devenue un lieu très visité, heureusement en ce début d’automne il n’y avait pas grand monde. J’entrai dans la chapelle et m’assis au fond, pour écouter un groupe de chanteurs qui répétait des chants grégoriens. La beauté des chants s’harmonisait parfaitement avec le lieu, et je me laissai porter par le rythme lent et pourtant lumineux de cette musique. La lumière fusait par l’oculus et inondait l’abside où se trouvaient les chanteurs, en même temps qu’elle ramenait le calme en moi.

En quittant le Thoronet, ma décision était prise de faire la route des abbayes, à commencer par les deux « sœurs » du Thoronet, Silvacane et Senanque. Je n’étais pas un pratiquant, encore moins un mystique. Mes parents ne nous avaient jamais obligés mes sœurs et moi à une quelconque pratique religieuse. Dans les années 68, avant de rencontrer Suzanne, j’avais une petite amie qui était attirée un temps par les religions de l’Inde et d’Asie, mais cela se résumait à quelques bouquins traduits, à des tentures bariolées accrochées aux murs de notre petit appart de la rue Chenoise à Grenoble où nous faisions nos études, et à des bâtons d’encens qui brûlaient continuellement en dégageant une odeur entêtante dont je gardais toujours l’aversion. Cette fille était partie un jour à Katmandou pour vivre dans un ashram. Elle en étais revenue un an après, très déçue. Nous ne nous sommes plus remis ensemble, et j’avais su que par la suite elle était devenue prof d’espagnol dans un lycée à Grenoble.

Ma tournée des abbayes me fit tourner un peu en rond, et en fait je n’avais pas quitté le Midi. Après les trois « sœurs », je étais redescendu sur la Sainte Baume pour l’abbaye de Saint-Pons, puis pour Lérins et Aiguebelle, avant de partir plus à l’Ouest pour l’abbaye de Frondfroide. A Frondfroide, j’eus comme guide une prof d’histoire d’une érudition époustouflante, et à la fin je tentai le coup et l’invitai au restaurant le soir. Nous avions passé la nuit ensemble, et le lendemain, chacun partit de son côté. Il faut dire qu’elle était mariée, même mal, du moins c’était ce qu’elle me disait, et que je n’étais sans doute pas à la hauteur non plus cette nuit là. Mais ce matin-là, assis avec un petit noir sur la terrasse d’un bistrot, je pris conscience que le mal de Suzanne m’avait quitté et mon périple brusquement n’avait plus aucun sens. Mais j’étais seul, si seul.